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Sénégal: comment le nouveau réseau de bus électriques change la vie de Dakarois

C’est une petite révolution pour la capitale sénégalaise et une première en Afrique : depuis un mois, des bus 100% électriques sont entrés en service à Dakar. Les Bus Rapid Transit (BRT) ont pour objectif de réduire les temps de trajet dans la capitale ultra-congestionnée, tout en polluant moins. Reportage.

Publié le : 25/06/2024 – 10:45

Avec notre correspondante à Dakar, Léa-Lisa Westerhoff

C’est à peine si on entend son signal dans le vacarme de la ville : un bus électrique aux couleurs vert, jaune et rouge, du drapeau du Sénégal, s’arrête. À son bord, quelque 150 passagers dont Cheikh : ce conseiller commercial de 29 ans, qui arrive de Pikine à 10 kilomètres de là, n’en finit pas de se réjouir : « Moi, d’habitude je faisais plus de deux heures pour arriver ici à destination à Sacré-Cœur [un quartier de Dakar, NDLR]. Maintenant, je le fais en 30 minutes. C’est une aubaine, pour nous. C’est bien, il est confortable, climatisé. On se sent bien, là. Tu gagnes en temps et en confort. »

Quatorze arrêts et une voie dédiée pour le BRT

Avec ses 55 places assises – 155 en tout – et la clim, ces bus sont autrement plus confortables que les habituels cars rapides ou Tata bondés et suffoquants.

Cet autre passager confirme. Le principal atout du BRT ? « La rapidité, lance-t-il. En un temps record, je suis arrivé au travail. En 7 ou 8 minutes de trajet, c’est très rapide ».

Car de la banlieue de Guédiawaye, au nord, au pied de la Grande mosquée, au cœur de Dakar, quatorze arrêts et une voie dédiée ont été spécialement construits pour ces BRT. Aucun bouchon, donc.

« Ça nous aide avec les bouchons à Dakar qui sont monstrueux » 

Dans la station, accessible par des portiques automatiques, une jeune femme scrute le tableau de passage du bus, toutes les six minutes. « Je vérifie à quelle porte je vais m’arrêter pour l’attendre », explique-t-elle, son ticket à 400 Francs CFA (environ 61 centimes d’euros) en main. Pour cette ingénieure en génie civil, ce moyen de transports fait une vraie différence : « J’ai laissé ma voiture à la maison. C’est super efficace. J’ai hâte qu’on augmente le nombre d’arrêts, qu’on augmente les trajets. Et ça nous aide avec les bouchons à Dakar qui sont monstrueux. Il était temps qu’on ait une meilleure mobilité au Sénégal. »

L’extension du réseau est en effet très attendue : avec davantage de bus électriques mais aussi des bus à gaz. « Plus de 1 000 », selon Malick Ndiaye, le ministre des Transports : « Des bus de rabattement pour permettre aux usagers de rejoindre le BRT et d’aller en ville » et de véritablement fluidifier le trafic qui s’est pour l’heure déplacé vers des axes secondaires.

Pour la société franco-sénégalaise Dakar Mobilité, concessionnaire de la ligne durant quinze ans, les 150 BRT qui seront déployés à terme devraient permettre de transporter jusqu’à 300 000 personnes par jour en divisant leur temps de trajet par deux.

Portiques de sécurité, écrans avec les horaires : les stations de BRT à Dakar fonctionnent comme celles d’un métro.
Portiques de sécurité, écrans avec les horaires : les stations de BRT à Dakar fonctionnent comme celles d’un métro. © Léa-Lisa Westerhoff/RFI

Transports à Dakar: «Le BRT à côté du TER, ça ne suffit pas mais c’est déjà un saut qualitatif énorme»

Avec ces bus électriques, mais aussi un train de banlieue – le train express régional (TER) mis en service en 2021 entre Dakar et Diamniadio à une trentaine de kilomètres du centre-ville –, la capitale sénégalaise tente de s’attaquer au fléau de la pollution atmosphérique dans la ville qui est responsable de la mort de « 7 % des habitants », d’après une étude qui date de 2022.

Pour le Directeur général du Conseil exécutif des transports urbains durables (Cetud), Thierno Birahim Aw, le BRT est un moyen efficace de lutte contre la pollution, même s’il va falloir rapidement étendre ce réseau et aller plus loin. « Aujourd’hui, le taux de motorisation dans cette ville (de 4 millions de personnes) est d’environ 30 véhicules pour 1000 personnes. On est loin encore des niveaux de motorisation des pays industrialisés qui font 500 véhicules pour 1000 personnes, affirme-t-il au micro de Léa-Lisa Westerhoff. À l’heure actuelle, le réseau routier est déjà saturé, alors que le niveau de motorisation va doubler tout comme la population dans un horizon de 20 ans. C’est pourquoi, le BRT et le TER (train express régional) seuls ne suffiront pas. Mais c’est déjà un saut qualitatif énorme. On est juste au début d’un changement de paradigme qui met en priorité la mobilité collective. »

Il poursuit : « Et donc, à l’horizon 2026, fin 2026, on va avoir, dans une première phase 400 bus à gaz, 30 kilomètres de voirie. Une seconde phase est prévue pour atteindre 1000 bus, compléter avec des bus électriques pour un vrai maillage. Et spécifiquement, avec le BRT, ce mode de transport non-polluant, nous faisons des économies de 59 000 tonnes de CO2 par an. »

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